La procédure de reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) sera modifiée en janvier 2010 par un décret à paraître dans les prochains jours. Le but: clarifier les règles afin de limiter le nombre de contentieux «de forme» engagés par les entreprises sur le conseil d’avocats spécialisés et qui creusent le trou de la Sécu.
170 millions d’euros en 2007, 200 millions en 2008 et près de 300 millions en 2009. Telle est la hausse des déficits induits par les contentieux engagés par les entreprises selon les estimations de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts). «Les employeurs jouent sur les failles du système», assure Fabrice Grout, directeur juridique national à la Fnath, l’association des accidentés de la vie.
Dans le cas d’un accident du travail (AT), ce sont les entreprises qui ont l’obligation de faire une déclaration auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam). Dans le cas d’une maladie professionnelle (MP), c’est au contraire à l’employé de le faire. Dans les deux cas, il revient ensuite à la caisse de statuer sur le caractère professionnel ou non des AT-MP.
Or, les Caisses primaires d’assurance maladie (Cpam) ont souvent omis, faute de moyens ou de temps, d’informer l’employeur de la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie de son salarié. Plusieurs décisions de la Cour de cassation ont fait jurisprudence: cette absence d’information en violation du principe contradictoire de l’instruction [qui consiste à informer les deux parties] autorise les entreprises à déclarer l’inopposabilité des décisions. «C’est une pratique courante qui permet aux entreprises d’éviter des plaintes supplémentaires dans le cadre d’actions en justice pour faute inexcusable de l’employeur, associées à des indemnités de plusieurs dizaines de milliers d’euros», ajoute Fabrice Grout. Prises en charge par les caisses, les indemnités creusent le déficit social.
Ces contentieux se sont beaucoup développés notamment à cause des «cost-killers», cabinets d’avocats spécialisés dans l’optimisation des coûts des entreprises. «Le contentieux concerne quelques milliers d’entreprises dont une centaine seulement est à l’origine de la majorité des coûts», indique Stéphane Sellier, directeur des risques professionnels à la Cnamts.
C’est justement afin de limiter ces pratiques que ce décret a été élaboré en concertation avec la Cnamts. Il va introduire deux changements principaux en termes d’information. Afin de garantir le caractère contradictoire de l’instruction, la Cpam devra informer les parties sur les éléments de l’enquête, 10 jours avant la prise de décision. En outre, l’avis de la caisse sera notifié à la victime et à l’employeur «par tout moyen permettant de déterminer la date de réception [lettre recommandée, par exemple]». Les entreprises disposeront ensuite d’un délai restreint à 2 mois pour contester la décision. Aujourd’hui, elles peuvent contester des décisions datant même de plus de 10 ans.
Le texte devrait également permettre d’éviter aux victimes des refus de prise en charge motivés par une transmission tardive du certificat médical initial (CMI), première cause de refus du caractère professionnel d’un AT. En effet, à l’heure actuelle, le salarié dispose d’un délai d’un mois pour un AT (trois mois pour une MP) pour envoyer son CMI à compter de la réception par la caisse de la déclaration d’accident du travail. Le retard de l’envoi conduit souvent à un refus de la caisse. Selon le nouveau décret, le délai d’instruction courra à compter de la réception de déclaration d’AT (ou de MP) et du certificat médical initial.
«Ce décret est un petit texte mais qui n’est pas sans conséquences. Il permettra de répercuter sûrement le coût des AT-MP sur les entreprises concernées, en rendant la contestation plus difficile», souligne Stéphane Sellier. Satisfait du texte, Philippe Maussion, chargé des questions de santé au travail à la CFDT souhaiterait toutefois qu’un bilan soit établi afin de déterminer l’efficience des mesures vis-à-vis de la réduction des contentieux.
Ce décret s’inscrit dans les chantiers engagés par la commission AT-MP de la Cnamts afin de limiter les contentieux. Un autre chantier en cours concerne ainsi la refonte du système de cotisations des entreprises pour la branche AT-MP, également objet de nombreux recours juridiques.
Soumis à la commission des accidents du travail de la Cnamts le 11 février dernier, le texte a été approuvé par la majorité des syndicats d’employeurs et de salariés. Il a été envoyé au Conseil d’Etat le 13 mai, et son adoption finale et sa publication sont imminentes, selon le cabinet du ministre du travail. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2010, accompagné d’une circulaire d’application.Auteur : par Sabine Casalonga, JDLE
MM'S le :
Quelle affaire, cette question de la reconnaissance des accidents de travail !
Ce décret, s'il peut permettre de faire en sorte que le salarié ne soit plus lésé... Dans ce cas, je dis Bravo !
C'est que les employeurs ont une sainte allergie de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle, à cause des coûts en matière de pénalités dissuasifs qu'ils représentent.
Le plus simple, pour limiter à défaut d'éviter ces affaires, est de mettre en place les actions de préventions adaptés (innover sur les moyens d'adapter le travail à l'homme, être à la pointe dans la mise en place des Equipements de Protection Collective, être intransigeant dans le respect du port des EPI, favoriser la bonne pratique des exercices d'échauffements musculaires avant la prise de poste le matin : Un excellent moyen de lutter contre certains accidents de travail, les TMS, et redonne du peps au moral...)
Leurs particularités : Les salariés, comme les entreprises, et même la Sécurité Sociale, chacun y trouvera son compte !
Ces démarches commencent à porter leurs fruits, notamment dans l'entreprise où je travaille...
Il n'y a pas de raisons que ces initiatives ne portent pas leurs fruits ailleurs...