Amiante: la cour de cassation admet un "préjudice d'anxiété"

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Statuant sur les décisions rendues par deux cours d’appel, la cour de cassation a reconnu aux retraités contaminés par l’amiante le droit de recevoir des indemnités pour les troubles psychologiques subis. En revanche, elle n’a pas "cautionné" le principe de compensations financières découlant d’une perte de revenus à la suite de l’octroi d’une allocation de cessation anticipée d’activité.

C’est l’Agence française de Sécurité sanitaire de l’Environnement et du Travail qui l’affirme: l’amiante en France pourrait causer 100.000 décès à l"horizon 2025, soupçonnée d’être à l’origine de près de 20 % des cancers du poumon. D’où l’intérêt que soulève un jugement rendu par la Cour de cassation, qui a statué le mardi 11 mai sur deux décisions prises par deux cours d’appel, l’une à Paris, l’autre à Bordeaux.

Contredisant en partie celles-ci, la Cour de cassation a estimé que les salariés ayant été exposés aux méfaits de l’amiante dans un cadre professionnel ne peuvent solliciter des réparations découlant d’une perte de leurs revenus. Il s’agit bien entendu de salariés s’étant vu octroyer une allocation de cessation anticipée d’activité (Acaata), en vertu de mécanismes mis en œuvre en 1993 et étendus en 2009 aux agents de la fonction publique.

Espérance de vie et revenus moindres

Par contre, la cour de cassation a admis pour la première fois le principe d’un «préjudice d’anxiété». Cela signifie que «les travailleurs de l’amiante» soumis à un dispositif de préretraite pourraient réclamer à leur ex-employeur de tels dédommagements en raison de troubles psychologiques. La décision de la Cour de cassation est fondée sur un double constat: ces préretraités pâtissent d’une espérance de vie réduite et leurs revenus ont chuté de manière drastique. En effet, ceux qui bénéficient de la cessation anticipée d’activité reçoivent 65 % de leur salaire qu'ils ne peuvent cumuler avec d’autres sources de revenus et avantages.

Pour certains spécialistes des questions liées à l’amiante, il s’agit à la fois d’ «une avancée» et d’un recul puisque la Cour de cassation a annulé un jugement rendu le 7 avril par la cour d’appel de Bordeaux qui avait admis un préjudice économique, dans «une affaire d’amiante» ayant concerné 17 salariés d’un fabricant de papier et de carton, Ahlstrom Label Pack. Celle-ci s’était aussitôt pourvue en cassation. La cour d’appel de Paris avait quant à elle condamné le 18 septembre 2009 ZF Masson, une entreprise de l’Yonne (produisant notamment des réducteurs pour la Marine) à indemniser 27 de ses ex-salariés. C’est la première fois qu’une cour d’appel avait reconnu à des personnes victimes de l’amiante dans l’exercice de leur profession le droit de réclamer des indemnités à leur employeur.

Amélioration du dépistage pour ceux partant à la retraite

Par ailleurs, un rapport présenté le 10 mai par la Haute Autorité de Santé préconise une amélioration du repérage et du dépistage médical, ainsi qu’un recours au scanner thoracique pour le suivi post professionnel des travailleurs exposés à l’amiante. Il s’agirait de soumettre les personnes partant en retraite au diagnostic d’un médecin du Travail.

Un représentant de l’Andeva, association défendant les intérêts des victimes de l’amiante, a estimé que de telles recommandations «constituent un pas important et qu’il fallait un dispositif carré, un message clair et consensuel».

Auteur : Yann Le Houelleur, l'Usine Nouvelle

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