« Diriger : un métier à risques ? »

Classé dans la catégorie : Risques pour l'Homme au travail

« Small is beautiful », le dirigeant des petites et moyennes entreprises suscite 80% d'opinions favorables, à la différence de ses homologues des grandes entreprises (Enquête d’image TNS Sofres des dirigeants de grandes entreprises françaises, janvier 2011).

Il est preneur de risques, stratège, créateur d’emplois, manager, innovateur, indépendant…Le revers de la médaille étant d’avoir à porter aux yeux de l’opinion publique, l’image cynique du dirigeant « nanti », sans que l’on mesure très bien les inconvénients liés à sa position.

« Ce qui nous frappe, c’est que les PME sont dans les cœurs, mais pas dans les esprits. » La présidente du Medef, Laurence Parisot, a pu mettre en relief l’importance d’une prise en compte de ces entreprises plus vulnérables, par les pouvoirs publics, en prônant « la PME attitude » (conférence de presse du 29/06/2011).

La position solitaire du dirigeant de PME le soumet à une pression d’autant plus forte que la taille de l’entreprise, sa proximité avec ses différents acteurs, l’organisation centrée autour d’une gestion personnifiée, ne lui permettent pas de s’abriter derrière les facteurs de protection des grands groupes : « filtres » organisationnels et hiérarchiques, délégations de pouvoir, standardisation, externalisation, délais extensibles, rapports de force en sa faveur…

Les dirigeants de PME ont pourtant en commun, avec les dirigeants salariés des grands groupes, de faire face à un faisceau de contraintes et de risques mais dont ils assument personnellement et directement la responsabilité financière, juridique et morale.

Etre chef d’entreprise est un métier à part entière et c’est un métier à risques : c’est être un leader, ouvrir la voie, manager des hommes, des organisations, des projets, prévenir des risques et être exemplaire…

Le stress et les risques psychosociaux, sujets largement couverts par les médias, évoquent une réalité quotidienne pour un grand nombre de salariés.

Or, les dirigeants sont souvent la cible des médias et de l’opinion publique alors qu’ils sont eux-mêmes particulièrement exposés : sentiment d’isolement, d’insécurité, d’aléa (arbitrages financiers, dépôt de bilans, conflits du travail, collectifs ou individuels (grèves, harcèlement présumé…).

On observe d’ailleurs que la limite entre le champ professionnel et le champ personnel apparaît souvent étroite : l'image d'Épinal du dirigeant réglant ses affaires sur un parcours de golf ou dans un diner d’affaires, illustre que souvent, l'espace personnel devient aussi un espace professionnel pour le décideur qui « décroche » rarement de son travail.

En ne s'arrêtant pas pour un nécessaire temps de prise de recul et de réflexion, il est difficile de prendre conscience de son état et de ses conséquences sur soi et sur les autres.

Un dirigeant nous déclarait : « Je ne suis pas stressé, juste speed » Tout le monde autour de lui le trouvait surtout stressé et stressant ! Un accident cardiaque à 35 ans lui a fait prendre conscience de la nécessité d'un changement de mode de vie...

Peu soucieux de leur propre santé (idéologie du leadership, fort interdit d’évoquer sa situation personnelle, habitude de gestion de l’urgence et d’une attitude curative plus que préventive en ce qui le concerne, déni…) ils attendent parfois les symptômes d'un épuisement professionnel pour réagir.

Le stress des dirigeants semble un tabou chez les premiers concernés : entend-on souvent des dirigeants parler de leur propre stress ?

Généralement, le dirigeant aime son travail ! Par définition, il bénéficie d'un pouvoir décisionnel important, il a souvent choisi son activité professionnelle, celle-ci lui offrant un statut social valorisant, ainsi qu'un sentiment de contrôle et de réussite.

De plus, les dirigeants affichent une confiance élevée quand il s’agit d’envisager leurs perspectives de croissance qui contraste fortement avec la conjoncture : 56% d’entre eux se déclarent optimistes (Baromètre santé économique des PME/TPE, étude TNS Sofres 2012).

La pression qu’ils supportent les pousse à toujours plus d'action, toujours plus de décisions : celles-ci sont parfois des réactions au stress, plutôt que le résultat d'une réflexion adaptée au contexte.

Quel dirigeant n'a jamais pris une décision sous le coup de la pression ou de l’intuition pour la regretter ensuite ? Parfois, cette réaction prend la forme d'une hésitation, voire d'un immobilisme qui peut être perçu par l'entourage comme un retrait, voire un désintérêt.

Les conséquences néfastes du stress touchent donc le dirigeant lui-même, mais aussi son entreprise.

Alors, quelles solutions ?

La première, suppose une exemplarité : les dirigeants ne peuvent attendre de leurs équipes que celles-ci « gèrent le stress » sans s’appliquer à eux-mêmes ce principe : une réflexion sur leur propre stress et ses conséquences, positives comme néfastes, permettrait d’identifier les facteurs de stress, réactions à ces facteurs, conséquences humaines et opérationnelles, à court terme et moyen terme.

La deuxième, consiste à lever le tabou recouvrant ce sujet afin de l’évaluer : la création d’un groupe d’échanges sur le stress au sein de l’entreprise est un moyen d’inventorier les facteurs de stress, autant que les solutions identifiées par les équipes (par exemple : pression des enjeux commerciaux, du client…).

Le tabou ainsi levé permettrait de percevoir des signaux faibles de stress avant que celui-ci n'occasionne des conséquences fâcheuses sur la santé ou la performance opérationnelle.

Enfin, manager est un métier ! Les attitudes managériales doivent être redéfinies et ce, y compris au niveau des dirigeants, dans le sens d'une construction concertée et concrète d’un référentiel managérial, conciliant recherche de performance et préservation de la Qualité de vie au Travail. Le respect de ces pratiques pourrait faire partie de l'évaluation individuelle de chaque manager.

La crédibilité du dirigeant sera mesurée sur des faits et non sur de simples déclarations : les plans d'actions à ces trois niveaux seront scrupuleusement observés par tous, ainsi que les évolutions d'attitude de la part des dirigeants.

C'est à ces conditions que le travail sur le stress du dirigeant profitera à son entreprise et inversement.

Auteur : Bruno LEFEBVRE
Psychologue clinicien
Associé fondateur d’AlterAlliance
Contact
www.alteralliance.com.

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