Absence et absentéisme, présence et présentéisme

Classé dans la catégorie : Général

Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde (A. Camus).

Beaucoup d’entreprises aujourd’hui se préoccupent de leur « absentéisme ». Par ce terme, elles désignent généralement le fait que des salariés ne sont pas là et ne travaillent pas, pour divers motifs : la maladie en premier chef, mais aussi la maternité, voire pour certaines la formation, la grève, l’absence injustifiée… Bref toutes désignent en fait l’absence d’un collaborateur.

Le français est une langue précise et on peut présumer que l’absentéisme ne doit pas y désigner l’absence. Le suffixe –isme est productif : il sert à désigner un courant de pensée relatif au mot qu’il suit (l’impressionnisme, par exemple), une idéologie (le marxisme), une vision du monde (le darwinisme)… Cette désignation est assez souvent péjorative car on y associe alors une dérive doctrinaire (les exemples ne manquent pas, je m’abstiendrai donc d’en donner). L’absentéisme décrit donc une tendance comportementale et excessive à l’absence, un comportement déviant qui consiste à s’absenter sans raison valable, en prétextant à tort un motif (souvent, la maladie dite ordinaire).

Pour la même raison, le présentéisme est à distinguer de la présence.

La présence est l’observation d’un état « normal », la contrepartie du contrat de travail. Le présentéisme est une présence excessive : le terme désigne la tendance à être présent au travail selon une amplitude horaire trop importante (plus de 11 heures par jour) et/ou à être présent alors qu’une absence se justifierait. C’est l’acception la plus courante, en particulier parmi les chercheurs : le présentéisme désigne le fait de venir travailler étant malade, au point qu’un arrêt se justifierait.

Le fait qu’absence/absentéisme et présence/présentéisme ne soient pas immédiatement distinguables ne justifie pas qu’on emploie un terme pour un autre. Car le préjudice n’est pas seulement esthétique. Désigner l’absence par l’absentéisme, c’est confondre la conséquence (l’absence) avec une de ses causes (l’absentéisme). C’est implicitement considérer que chaque absence prend sa source dans un comportement déviant. Difficile ensuite d’en faire un sujet partagé avec les partenaires sociaux ou de construire des mesures efficaces de prévention de l’absence. Confondre présence et présentéisme, c’est tout simplement ignorer le phénomène du présentéisme, dont nous verrons (un peu plus tard) qu’il n’est pas sans conséquence pour l’entreprise.

Pour celui qui cherche à comprendre les comportements au travail, c’est ajouter au malheur du monde.

Auteur : Sébastien Richard

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