La légère modification de la loi prévue n'apporte pas de réelle avancée. Mais le ministère fait la promotion du guide d'aide à la prévention enfin publié.
"La meilleure solution, c’est de permettre une forme de reconnaissance du burn-out par des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles" (CRRMP), a défendu la semaine dernière le ministre du Travail François Rebsamen à l’Assemblée nationale lors des discussions sur le projet de loi sur le dialogue social, qui se sont attardées sur la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. Une inscription au tableau des maladies professionnelles ? Même s’il admet que c’est "un sujet de santé incontournable et incontestable", et qu’il est "essentiel" de "mieux faire le lien" entre la manifestation du burn-out et les conditions de travail des salariés, le ministre reste "réservé sur l’idée qu’il suffirait de reconnaître ce syndrome en l’inscrivant comme maladie professionnelle".
Un psychiatre pour les CRRMP
Le texte – qui fera l'objet d'un vote solennel des députés aujourd'hui – permettra donc d’ajouter au code de la sécurité sociale (article L. 461‑1) le fait que "les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle". Cela passera par une demande de reconnaissance devant les CRRMP. Une démarche aujourd’hui déjà possible : la seule avancée concrète pour l’instant que les "pathologies psychiques" puissent être inscrites dans la loi. L’amendement adopté (1) envisage des "modalités spécifiques de traitement de ces dossiers" qui seront fixées par voie réglementaire. Le gouvernement envisage de revoir la composition des CRRMP pour, présente François Rebsamen, "intégrer, autant que de besoin, des médecins psychiatres quand sont examinés des cas potentiels de burn-out".
"Une piste à écarter aujourd'hui"
Le burn-out ne rejoindra pas la liste des maladies qui sont présumées d’origine professionnelle si elles sont contractées dans les conditions mentionnées dans un des tableaux de maladies professionnelles. "Une piste à écarter aujourd’hui", estime le ministre du Travail. Il refuse d'instaurer "un lien automatique entre l’accomplissement de certaines tâches et la survenue de la maladie", expliquant que le burn-out "repose essentiellement sur les conditions dans lesquelles le travail a été accompli." Marie-Françoise Bechtel (SRC, Aisne) en convient : l’inscription au tableau des maladies professionnelles "se heurte à des difficultés techniques". La députée avoue avoir buté sur ce problème en essayant de rédiger un amendement. Ce qui ne l'empêche pas de trouver l’avancée proposée par le gouvernement "timide". Elle plaide pour que la reconnaissance en dehors du tableau soit possible en deçà du seuil de 25 % d’incapacité permanente actuellement exigé.
"Véritable parcours du combattant"
Pour Benoît Hamon (SRC, Yvelines), "quasiment aucune affection psychique liée au travail ne peut atteindre" ce seuil – "une main arrachée, par exemple, correspond à un taux de 20 %", assure Marie-Françoise Bechtel. La procédure s'apparenterait alors à "un véritable parcours du combattant". Abaisser ou même supprimer le seuil d'incapacité ? Y toucher pour les cas d’épuisement professionnel pourrait créer un déséquilibre avec d’autres maladies, dont la reconnaissance est soumise aux mêmes critères. "Des instructions ont été données pour assouplir encore les conditions de reconnaissance de telle sorte que le seuil de 25 % ne soit plus un handicap insurmontable", indique François Rebsamen, qui n’envisage pas de modification pour l’instant. Le gouvernement devra cependant remettre un rapport au Parlement avant le 1er juin 2016, "sur l’intégration des affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles ou l’abaissement du seuil d’incapacité permanente partielle pour ces mêmes affections".
Le guide tant attendu
Le ministre entend miser sur la prévention – "sans abandonner, naturellement, la réparation", ajoute-il pour ne pas froisser les députés. En plus du PST3 (voir notre article) qui devrait être finalisé ce mois-ci et accorder une place au burn-out, François Rebsamen met en avant le "guide d’aide à la prévention" du burn-out publié la semaine dernière par le ministère, "un outil de prévention à destination des acteurs de l’entreprise". Le document aura demandé plus d’un an d’élaboration (voir notre brève) avant que la DGT ne se décide à le soumettre à l’avis des partenaires sociaux siégeant au Coct, puis à le rendre public. "Plutôt que d’inscrire une définition qui pourrait satisfaire tout le monde a priori mais aurait peu de réalité – par-delà son aspect médiatique –, nous devons réfléchir à la façon dont nous pourrions traiter le burn-out de manière préventive", promet François Rebsamen. Cela laisse Benoît Hamon dubitatif : "Ce guide est bienvenu, mais que pèsera-t-il face à l’évolution de l’organisation du travail ?".
(1) Deux amendements identiques, l’un porté par des députés socialistes, l'autre par le gouvernement
Auteur : Par Élodie Touret, actuEL-HSE.
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