Chaque semaine, un million de conteneurs circulent en Europe. Et avec eux, autant d'agents chimiques dangereux sous forme de particules ou de gaz, issus des produits de fumigation et des émanations de certaines marchandises (voir notre article). En France, entre ceux qui les transportent d'un lieu à un autre, ceux qui les contrôlent, les ouvrent, les déchargent, ceux qui les nettoient ou les dégazent, la DGT (direction générale du travail) estime à 2 millions le nombre de salariés potentiellement exposés. Alors que le cancer du docker, poly-exposé à des produits chimiques, est reconnu depuis quelques mois (voir notre article), la DGT appelle les agents de contrôle de l'État et les acteurs concernés à une "vigilance accrue" quant à la protection de ces travailleurs. Elle rappelle réglementation et mesures de prévention dans une circulaire datée du 7 mai 2015.
Intoxications sur toute la chaîne
Grands magasins, entreprises de logistique, transporteurs... De nombreux secteurs sont concernés par la circulaire de la DGT. Sans compter qu'elle s'applique également à d'autres types d'espace confinés susceptibles d'être concernés par la fumigation ou de contenir des marchandises émettrices de gaz : cales de navires, silos, soutes d'aéronefs, compartiments de charge de certains véhicules et autres entrepôts d'entreprises... La circulaire évoque d'ailleurs "plusieurs cas d'intoxications tout au long de la chaîne de transports et de vente des marchandises". En zone portuaire et dans les entrepôts de stockage lors des interventions sur les conteneurs, ou bien à bord des navires vraquiers et céréaliers (voir notre article). Les travailleurs concernés sont régulièrement exposés à des polluants listés en annexe du texte. Les dommages causés par les produits chimiques peuvent être immédiats pour la santé, voire mortels s'ils sont classés toxiques. "Ils peuvent aussi présenter des "effets différés" (cancers, atteintes neurologiques, etc.) en cas d'expositions répétées", précise la DGT.
Des responsabilités difficiles à établir
"Une obligation de résultat s'agissant de la santé et de la sécurité des travailleurs est imposée aux employeurs à chaque étape intermédiaire de distribution des marchandises, du transporteur au metteur sur le marché", rappelle la circulaire. Mais parce que "la réalité des responsabilités peut être complexe" – puisqu'une même entreprise peut assurer l'ensemble de ces étapes ou au contraire faire sous-traiter ces tâches par plusieurs entreprises –, la DGT fait le point sur les obligations de chacun en annexe. Sont notamment concernés le chargeur, le déchargeur, le destinataire, l'emballeur, l'expéditeur, le remplisseur et le transporteur. À cette obligation de sécurité s'ajoute une obligation de formation adaptée pour tous les salariés ayant à s'occuper de la manutention des conteneurs sous fumigation, formation à la sécurité et aux risque chimique également.
Détection et mesure des agents chimiques dans l'air
"Il est pertinent de rappeler l'obligation d'association du médecin du travail à l'information et à la formation des travailleurs", rappelle encore la DGT. La surveillance médicale renforcée s'applique par ailleurs aux salariés exposés aux CMR (cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction) lorsqu'ils manipulent ou sont en contact avec un conteneur. La nature des agents chimiques qu'on peut trouver dans celui-ci peut impliquer de mettre en place bien d'autres dispositions. En ce sens, souligne la DGT, l'employeur est tenu de mettre le nécessaire en œuvre pour les détecter et mesurer leur concentration dans l'air. Certains font l'objet de valeurs limites d'exposition professionnelle. Il doit ensuite s'assurer que le niveau d'exposition des salariés est le plus bas possible, et que les mesures de prévention adoptées sont efficaces.
Des travaux sur la ventilation mécanique
"Les conteneurs constituent des espaces confinés où les émissions de gaz peuvent se poursuivre, il n'est donc pas possible d'assurer de manière permanente la suppression des émissions de polluants ou leur captation", reconnaît la circulaire. Toutefois, il est possible d'assurer la ventilation de l'air intérieur de ces espaces confinés, et ce faisant, d'éviter l'exposition des travailleurs à "des substances insalubres, gênantes ou dangereuses pour leur santé". Cette ventilation peut être naturelle, mais son efficacité dépend alors de beaucoup d'éléments (lieu de travail, disposition du chargement, conditions environnementales, etc.) et doit, le cas échéant, être complétée par le port d'EPI (équipement de protection individuelle). Elle peut aussi être mécanique, et permettrait alors "d'accélérer fortement l'évacuation des polluants", selon la circulaire. "Des travaux nationaux sont en cours dans ce domaine et devraient faire l'objet d'orientations techniques détaillées", précise-t-elle encore. Ces orientations en matière de prévention des expositions feront à terme l'objet de publications spécifiques dans les organismes de prévention.
Auteur : Par Claire Branchereau, actuEL-HSE.
Pour découvrir actuEL-HSE.fr gratuitement pendant 2 semaines, cliquez ici.