Philippe Douillet est chargé de mission à l’Anact (agence pour l’amélioration des conditions de travail). En tant que tel, il lui arrive encore d’accompagner des entreprises qui veulent conclure un accord sur les risques psychosociaux. Même si la demande est moins importante qu’il y a encore quelques années. Aujourd’hui, il assiste surtout des structures qui veulent renégocier ou faire évoluer leur accord RPS vers d’autres problématiques. Travailler sur le sujet hors accord aussi. Philippe Douillet, par ailleurs auteur du guide "Prévenir les risques psychosociaux : outils et méthodes pour réguler le travail", revient sur cette évolution.
Aujourd’hui, les entreprises viennent-elles toujours vous voir en vue de conclure un accord RPS ?
Philippe Douillet : J’ai récemment accompagné un grand groupe cimentier sur un accord de ce type ; il y a donc bien encore des entreprises qui en concluent. Mais nous avons moins de demandes d’accompagnement qu’il y a quatre ou cinq ans, et ces demandes ont évolué car nous avons progressé en terme de connaissances sur les risques psycho-sociaux. La plupart du temps, les acteurs qui viennent nous voir sur le sujet ont déjà suivi une formation ou assisté à un colloque. Certains ont déjà mis des choses en place et cherchent à structurer. Nous avons aussi des demandes d’entreprises qui n’ont pas d’accord RPS, mais qui veulent être accompagnées dans la mise en œuvre d'actions spécifiques et dans la retranscription de ces actions dans le document unique. Des entreprises ayant déjà un accord viennent également nous voir, pour le mettre en application ou pour le faire évoluer vers un accord QVT par exemple.
Aujourd’hui, privilégie-t-on l’accord QVT à l’accord RPS ?
Philippe Douillet : Les démarches QVT que nous accompagnons intègrent la question des RPS. Certains accords QVT ont même un chapitre entier consacré aux risques psycho-sociaux – je ne parle pas ici des accords QVT version bien-être –. C’est une autre approche, plus large puisqu’en général les accords QVT ont aussi des volets télétravail, nouvelles technologies, conciliation vie privée / vie professionnelle… Des choses que l’on ne voyait pas auparavant dans les accords RPS. Comme si c’en était la suite. La question qui ressort, dans tout cela, c’est celle de l’organisation du travail.
Que deviennent les accords RPS qui ne se transforment pas en accord QVT ?

Philippe Douillet : Il y a différents cas de figure. Dans certaines entreprises, les RPS cessent d’être le sujet numéro 1 et l’accord tombe dans l’oubli ; des choses ont été faites mais on est dans une phase d’essoufflement. Certaines s’orientent plutôt vers un accord bien-être au travail avec des mesures cosmétiques, et puis il y a celles qui renouvellent leurs accords en approfondissant certains sujets. Dans tous les cas, nous les incitons à faire une évaluation qualitative de ce qui a été fait en mettant l’accent sur le processus : Comment les actions ont été conçues, développées, installées dans l’entreprise ? Comment les acteurs se les sont appropriées ? etc. Nous avons même développé des outils type guide autour de l’évaluation, avec la chaire santé sécurité au travail de l’université de Laval (Québec). Les entreprises ne peuvent pas laisser tomber un investissement de 4 ou 5 ans sur le sujet et passer à autre chose.
À quels écueils se sont heurtés les accords RPS signés il y a quelques années ?
Philippe Douillet : Beaucoup prévoyaient de mettre en place un comité de suivi, sans en dire plus sur ce comité ni sur les modalités d’évaluation du suivi. C’est l’une de leur défaillance, d’autant plus importante que les accords RPS ont beaucoup mobilisé. L’engagement de la direction est aussi primordial. Les entreprises qui ont abandonné leur accord RPS sont souvent celles où la direction n’était pas assez engagée. Et puis il y a la question du management. Souvent, les accords ont reporté la responsabilité des problèmes sur l’encadrement et conclu que la solution était de former cet encadrement. L’axe était bon, mais certaines entreprises ont formé les managers sur une séance sans se demander ce qu’ils allaient pouvoir en retirer au niveau de leurs compétences. C’est pourtant capital. Dans beaucoup de cas, ce n’étaient pas les actions en soi qui étaient mauvaises, mais la façon dont on les a positionnées dans l’entreprise sans se demander comment les acteurs allaient se les approprier.
Au final, aujourd'hui, qu’est-ce qu’un bon accord RPS ?
Philippe Douillet : Il n’y a pas de grande différence avec les accords d’avant. Il s’agit toujours de mener un large travail, avec plusieurs acteurs de l’entreprise et basé sur des phases de diagnostic avec observation et écoute des salariés. Maintenant, si je devais aider une entreprise à conclure un accord RPS aujourd'hui, j’insisterai beaucoup sur la façon dont le groupe de travail constitué s’articule avec le CHSCT : il faut que ses travaux reviennent bien au comité pour ne pas rester des travaux isolés. Il faut aussi qu’ils soient retranscrits dans le document unique, pour pérenniser l’action.
Auteur : Par Claire Branchereau, actuEL-HSE.
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