Faut-il une habilitation électrique pour changer une ampoule ?

Difficile d'y voir clair avec les habilitations électriques. Qui doit l'avoir ? Qui la délivre ? Dans tous les cas, impossible de court-circuiter l'analyse des risques et les principes généraux de prévention. On fait le point avec l'INRS.

En posant cette question, la responsable HSE a d'abord affirmé prendre "le risque d'avoir l'air bête". "Faut-il une habilitation électrique pour changer une ampoule ou un néon ?" Les deux intervenants de l'INRS, experts du risque électrique qui tenaient jeudi 6 septembre 2016 une conférence au salon Préventica de Rennes, ont en effet rigolé. Non pas car la question était bête ; mais tout au contraire parce qu'on la leur pose tous les jours ou presque. Preuve que l'on n'y voit pas clair. Pour notre ampoule, "tout est une question d'analyse des risques", répondront-ils. Une habilitation électrique ne sera pas nécessaire s'il s'agit de changer une ampoule sur un dispositif où il n'y a pas de risque de contact direct, alors que l'opérateur devra être effectivement habilité s'il doit intervenir sur certaines lampes, que l'on trouve surtout dans l'industrie, où le risque est bien présent. "L'idée n'est pas d'habiliter tout le monde", rappelle Sandrine Hardy, de l'INRS. Pourtant, face à la complexité apparente des différentes normes et des "symboles" – par exemple B2V pour un chargé de travaux du domaine basse tension et pouvant travailler dans le voisinage de pièces nues sous tension – "je me dis qu'habiliter tout le monde serait parfois plus simple", commente un autre participant.

Voir le risque

Ce dernier semble oublier que l'habilitation dépend du risque, et que l'on doit prendre le problème dans l'autre sens. Contact direct, contact indirect et arc électrique sont les trois situations pouvant générer un risque électrique pour le travailleur, qu'il s'agisse d'électrisation, d'électrocution ou de brûlure. On parle de contact direct lorsque le travailleur touche, par exemple, la partie conductrice de courant d'une borne de raccordement ; et de contact indirect lorsqu'une pièce conductrice est mise accidentellement sous tension. Quant à l'arc électrique, il peut se produire lors de l'ouverture ou de la fermeture d'un circuit. Il ne faut pas non plus oublier le court-circuit, qui résulte "d'une liaison accidentelle entre deux pièces conductrices présentant entre elles une différence de potentiel", explique l'INRS.

Des accidents peu fréquents, mais graves

L'INRS rapporte qu'au cours de la dernière décennie, la CnamTS a enregistré en moyenne 730 accidents du travail chaque année, soit 0,12 % du nombre total des accidents du travail. Mais ces accidents-là sont souvent beaucoup plus graves : 1% sont mortels, contre 0,08% pour l'ensemble des risques, et 10% entraînent une incapacité permanente, contre 6,6 % pour l'ensemble des risques.

Hors-tension

Comme face à tout risque, le premier réflexe de l'employeur – après avoir mené l'analyse des risques – doit être de chercher à le supprimer. L'électricité ne fait pas exception : "priorité aux opérations hors tension, ce qui suppose de toujours préparer et organiser une opération", insiste Jean-Louis Poyard, de l'INRS. L'employeur aura aussi vérifié que ses appareils respectent les règles de conception, et qu'ils sont périodiquement surveillés. Si mettre hors tension n'est pas possible ou s'avère plus dangereux, viennent ensuite les mesures de protection collectives, puis les protections individuelles. Et l'habilitation électrique, qui est réglementairement obligatoire depuis 2011.

L'habilitation

Qui est concerné par l'habilitation électrique ? Ceux qui mènent des opérations sur des installations électriques "ou dans le voisinage de ces installations, qu'il s'agisse d'opérations d'ordre électrique ou non électrique, ce que l'on oublie parfois", souligne Jean-Louis Poyard. "Au voisinage" signifie qu'il y a dans la zone des pièces nues sous tension. Qui habilite ? Ce point est parfois source de confusion : c'est bien l'employeur qui doit habiliter, lui incombe ainsi la responsabilité de s'assurer que son salarié a reçu la bonne formation. Le formateur, ou l'organisme de formation, n'ont pas le pouvoir d'habiliter. Pour les intérimaires, l'entreprise utilisatrice (et non l'entreprise de travail temporaire) doit s'assurer que le travailleur qui va intervenir chez lui a bien reçu la formation nécessaire, avant de lui délivrer une habilitation. Signer une habilitation n'est pas un acte anodin pour l'employeur : il reconnaît ainsi la capacité d'une personne placée sous son autorité à accomplir, en toute sécurité, les tâches qui lui sont confiées. Avant même la formation nécessaire pour l'habiliter, le travailleur devra avoir reçu une formation générale à la sécurité.

Symboles

Quel symbole d'habilitation doit avoir le travailleur concerné ? C'est là que les amateurs de scrabble se régalent, mais que les employeurs ont le tournis. La norme NF C 18-510 – avec ses 250 pages adoptées en 2012 et à laquelle renvoient les pouvoirs publics, via l'arrêté du 26 avril 2012 – définit les différents symboles d'habilitation. Le 1er caractère indique le domaine de tension concerné, le 2e le type d'opération, et le 3e peut, s'il est ajouté, préciser la nature des opérations. "Nous avons souvent des employeurs qui veulent vraiment faire les choses correctement, mais ne savent pas quel symbole choisir", raconte Jean-Louis Poyard. Une seule solution : recueillir toutes les informations nécessaires, et se faire aider. La norme NF C 18-510 "ne sera pas révisée avant de nombreuses années", assure-t-il, précisant que la version en cours a déjà demandé 9 ans de travaux. Une première réunion a en revanche eu lieu cette semaine pour l'amender. L'objectif est notamment de faire disparaître les seuils de 63 A en courant alternatif et 32 A en courant continu pour l'habilitation "BR". Mais cela ne changera rien pour remplacer une ampoule, promis.

 

 

 

 

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