Rayonnements ionisants : de la protection à la prévention

Historiquement, la radioprotection, qui entend préserver les travailleurs des effets nocifs des rayonnements ionisants, s’est construite en marge de la prévention des risques professionnels. En 2018, la transposition d’une directive européenne en droit français y réintroduit les neuf principes généraux de prévention, avec pour objectif de gagner en simplicité sans perdre en efficacité.

Dès 1915, des scientifiques de différents pays tirent la sonnette d’alarme sur les risques liés aux rayonnements ionisants. Cette mobilisation aboutit en 1928 à la création de la Commission internationale de protection contre les rayons X et le radium, première mouture de la Commission internationale de protection radiologique, qui prend sa forme actuelle en 1950 et donne depuis le « la » en matière de radioprotection : ses publications régulières de recommandations à l’échelle mondiale sont ensuite adaptées dans les législations nationales. La prévention des risques liés à la mise en œuvre des rayonnements ionisants dans le cadre du travail s’est ainsi construite en parallèle de celle des autres risques professionnels, adoptant sa propre logique. Elle repose sur trois principes fondamentaux : la justification de l’utilisation des rayonnements ionisants, l’optimisation de l’exposition à un niveau le plus bas possible et la limitation des doses individuelles.

En 2018, la transposition de la directive 2013/59/Euratom dans notre droit français marque un tournant. Sans remettre en cause les trois fondamentaux de la radioprotection, les neuf principes généraux de prévention, remis au centre de la démarche, placent les rayonnements ionisants sur le même plan que les autres risques professionnels. Ainsi, il faut dorénavant s’interroger sur la possibilité de substituer les sources de rayonnements ionisants. Et, à défaut, il convient de mettre en place prioritairement des protections collectives, et en second ressort des équipements de protection individuelle.

Une évolution qui marque une volonté d’homogénéiser les approches de prévention et de radioprotection. En redonnant la responsabilité de l’évaluation du risque radiologique à l’employeur, il lui devient possible d’adapter ses actions de radioprotection à la réalité de son activité. Car si les rayonnements ionisants sont utilisés dans des secteurs variés (voir encadré), le risque est variable en fonction de leur nature et des niveaux d’exposition qu’ils sont susceptibles d’engendrer.

Évaluer pour zoner

L’intégration de la radioprotection dans une approche globale de prévention permet de résoudre les incohérences qui pouvaient résulter d’une approche différenciée. Par exemple, la radioprotection pouvait être menée de façon approfondie pour des sources très faiblement radioactives alors que leur forte toxicité n’était pas prise en compte. Dans les services de radiologie, le port de lourds tabliers de plomb, qui peut favoriser l’apparition de lombalgies, a pu être préféré aux protections collectives alors même que celles-ci doivent être mises en œuvre. Aujourd’hui, le rapprochement des conseillers en radioprotection, qu’il s’agisse de personnes ou d’organismes compétents en radioprotection, avec les préventeurs « classiques » a plusieurs vertus. Cela doit favoriser une analyse qui n’omet pas les interactions entre risques et autorise la mutualisation des connaissances et des ressources pour travailler plus efficacement à la préservation de la santé des travailleurs.

La démarche de radioprotection était cependant déjà bien structurée et rejoignait sur de nombreux aspects l’application des principes généraux. L’évaluation des risques est l’un de ces points communs. Après avoir, dans un premier temps, identifié les sources et les postes de travail concernés, une identification des zones où les travailleurs sont susceptibles de dépasser certains niveaux d’exposition doit être réalisée (Art. R.4451-22 du code du travail). Le zonage dépend de la nature de la source (naturelle ou artificielle, fixe ou mobile), de la nature de l’exposition (corps entier, peau ou extrémités) ainsi que de son niveau. Ses limites sont matérialisées et signalées tandis que les risques encourus en y entrant, les consignes de travail et en cas d’urgence doivent être affichées et régulièrement mis à jour. Seuls peuvent accéder à ces zones de travail des salariés classés ou ayant reçu une autorisation de l’employeur.

Les travailleurs classés bénéficient d’une surveillance dosimétrique individuelle qui peut déboucher, en cas de dépassement des valeurs limites d’exposition professionnelle, au retrait du salarié de son poste. Pour les travailleurs intervenant dans certaines zones (art. R. 4451-33 du Code du travail), cette surveillance est complétée par le port d’un dosimètre opérationnel qui réalise des mesures en temps réel, utiles pour alerter lorsque les rayonnements dépassent la dose d’exposition définie préalablement à l’intervention.

Du nouveau pour le radon

En 2020, 22 838 travailleurs étaient suivis dans le cadre d’une exposition à la radioactivité naturelle. Cet effectif est constitué à plus de 98 % de personnel navigant civil et militaire soumis aux rayonnements cosmiques, les moins de 2 % restants étant notamment des travailleurs exposés au radon. Ce gaz radioactif, à qui l’on doit environ un tiers des expositions annuelles à la radioactivité de la population française et qui a tendance à s’accumuler dans les locaux mal ventilés, pourrait bien être responsable à l’avenir d’une hausse du nombre de travailleurs suivis. En effet, des évolutions réglementaires vont conduire à une augmentation significative du coefficient qui sert à calculer la dose reçue par les salariés qui exercent dans une atmosphère contenant du radon. Cela risque d’impliquer une augmentation du nombre d’entreprises concernées par la délimitation d’une zone radon.

Près de 400 000 travailleurs exposés aux rayonnements ionisants

Selon l’IRSN, en 2020, 387 452 travailleurs étaient suivis dans le cadre de leur exposition à des rayonnements ionisants. 59% étaient dans le secteur médical, 22% dans le nucléaire, 6% devaient leur surveillance à la radioactivité naturelle (aviation, radon), 4% travaillent dans l’industrie, 3% dans la recherche. En dose individuelle moyenne, le secteur de l’aviation présente le chiffre le plus élevé avec 2,18 mSv, suivi du nucléaire à 1,46 mSv. À titre de comparaison, le secteur médical qui possède le plus de travailleurs concernés est à 0,3 mSV.

Conseiller en radioprotection

L’employeur est dans l’obligation de mettre en place une organisation de la radioprotection dès lors que l’évaluation des risques a mis évidence l’existence d’un risque d’exposition de salariés. Il s’appuie sur un conseiller en radioprotection pour l’aider dans cette tâche. Il peut s’agir d’un salarié de l’entreprise, dénommé personne compétente en radioprotection (PCR), ou d’un organisme compétent en radioprotection (OCR). Formé et détenteur d’un certificat adéquat (gestion des sources scellées ou non, générateur de rayons X, accélérateur de particules…), il évalue les risques, conseille l’employeur dans la définition des mesures de prévention, réalise des vérifications périodiques, etc. Il travaille en lien avec les autres préventeurs et avec le médecin du travail, notamment pour la mise en œuvre concertée de la surveillance dosimétrique individuelle des travailleurs.

Les derniers produits des risques professionnels

Réagissez en laissant votre commentaire !