Chaque année, la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail rappelle un constat préoccupant : malgré des engagements internationaux clairs et répétés, trop d’accidents du travail et de maladies professionnelles continuent d’affecter les travailleurs à travers le monde. Ce paradoxe entre engagement politique et réalité du terrain soulève une question cruciale : pourquoi les risques professionnels restent-ils si mal maîtrisés ?
La reconnaissance de la sécurité et de la santé au travail comme droit fondamental depuis 2022, à travers les conventions n°155 et n°187 de l’OIT, marque une avancée majeure. Ces normes visent à prévenir les risques liés au travail et à promouvoir un environnement sûr pour tous. Pourtant, en 2019, près de 2,93 millions de décès liés au travail ont été enregistrés dans le monde. Plus choquant encore, 89 % de ces décès étaient dus à des maladies professionnelles souvent invisibles, comme les maladies circulatoires ou respiratoires.
Ce décalage met en lumière un défi majeur : l'insuffisance et la fragilité des données disponibles. Sans statistiques fiables, les politiques de prévention ne peuvent cibler efficacement les groupes les plus à risque. Et les chiffres, même partiels, sont alarmants : 395 millions de travailleurs ont subi un accident non mortel en 2019. Les longues heures de travail, par exemple, ont causé près de 745 000 décès, soit 40 % des décès liés au travail cette année-là.
Certaines catégories de travailleurs, comme les migrants ou les femmes dans les emplois précaires, sont particulièrement vulnérables. Faute de protection sociale ou par peur des représailles, beaucoup évitent de signaler leurs blessures ou maladies. Ce sous-signalement fausse les données, et empêche une réponse adéquate. La situation est aggravée par le biais sexospécifique des politiques de sécurité : les secteurs traditionnellement masculins (comme la construction) bénéficient de plus de recherches et de réglementations, tandis que les risques dans des secteurs féminisés comme les soins restent largement sous-estimés.
Les statistiques montrent également une inégalité sectorielle : les taux d’accidents non mortels sont plus élevés dans l’industrie manufacturière, la construction, le commerce, la santé, l’agriculture et les transports. Dans la majorité des pays, les hommes présentent un taux plus élevé d’accidents, en partie à cause de leur concentration dans les secteurs les plus dangereux.
Face à cette réalité, une action urgente s’impose. Il ne suffit pas de ratifier des conventions ou de célébrer des journées symboliques. Il faut renforcer la collecte de données désagrégées, investir dans la prévention, et surtout, ne laisser aucun travailleur de côté. La sécurité au travail ne doit pas être un privilège, mais un droit universel, effectif et mesurable.
Auteur : Inforisque.Source : Le droit à la sécurité et à la santé au travail : Toujours pas réalisé.