Télétravail : les risques invisibles d’une nouvelle norme professionnelle

Classé dans la catégorie : Risques pour l'Homme au travail

Depuis la crise sanitaire de la COVID-19, le télétravail s’est imposé comme une modalité incontournable de l’organisation du travail. En 2023, près de 26 % des salariés français y ont eu recours, avec une prévalence marquée chez les cadres (65 %), contre seulement 1 % chez les ouvriers. Si les bénéfices sont largement soulignés – gain de temps, autonomie, meilleure conciliation entre vie professionnelle et personnelle – les risques psychosociaux liés au télétravail restent encore trop peu pris en compte dans les politiques de prévention en entreprise.

La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) a récemment publié une revue de littérature dirigée par l’économiste Louis-Alexandre Erb, mettant en lumière trois grands axes de vulnérabilité.

1. L’érosion du lien social et professionnel

Le télétravail réduit considérablement les interactions spontanées entre collègues et avec la hiérarchie. Cette distanciation peut entraîner une perte de repères professionnels : consignes mal comprises, objectifs flous, décisions retardées… Le sentiment d’isolement n’est pas rare, tout comme une dégradation du bien-être émotionnel.

Le mode hybride, alternant présentiel et distanciel, aggrave parfois la situation. Il exige une planification rigoureuse tout en restant flexible face aux urgences, ce qui crée des tensions entre collaborateurs selon leur mode de travail. Ce décalage peut engendrer frustrations, sentiment d’injustice ou même de mise à l’écart.

2. Une intensité de travail difficile à contenir

L’un des effets pervers du télétravail est l’effacement progressif des limites entre vie professionnelle et personnelle. Sans cadre horaire clair, certains salariés tombent dans une forme d’hyperconnectivité : répondre à un mail tard le soir, rester disponible sur les messageries instantanées en dehors des heures, ne plus distinguer les pauses des temps de concentration.

Cette surcharge informationnelle et mentale est un facteur de stress chronique, qui peut déboucher sur l’épuisement professionnel, voire le burn-out. Les périodes de repos, pourtant indispensables, sont souvent compromises.

3. Une articulation travail-vie personnelle sous pression

Loin d’être une solution miracle pour équilibrer vie privée et travail, le télétravail renforce parfois les déséquilibres existants, en particulier pour les femmes. Plus souvent en charge des tâches ménagères, elles cumulent travail domestique et professionnel, parfois de manière simultanée. Résultat : des journées plus longues, moins de pauses, et un brouillage constant des frontières.

Par ailleurs, certaines conditions préconisées par l’OMS – pièce dédiée, environnement calme, absence d’enfants – sont difficilement réunies dans la réalité quotidienne. Dans les cas les plus graves, la promiscuité domestique peut même exposer à des violences intrafamiliales accrues.

Vers une approche plus responsable du télétravail

Face à ces constats, il ne s’agit pas de rejeter le télétravail, mais de mieux l’encadrer. Identifier les risques, former les managers, encourager une culture du droit à la déconnexion et adapter les objectifs aux réalités du télétravail sont autant de leviers pour réduire les effets délétères.

Le bien-être au travail ne doit pas être le prix à payer pour une flexibilité professionnelle. Le télétravail, bien que porteur d’opportunités, doit être pensé comme un mode d’organisation à part entière, avec ses propres exigences en matière de sécurité et de santé mentale.

Source : Le télétravail n’est pas toujours une bonne solution pour la santé.

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