Les gaz d'échappement des moteurs diesel cancérogènes

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A l’issue d’une réunion d’une semaine regroupant des spécialistes internationaux, le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), qui fait partie de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a aujourd’hui classé les gaz d’échappement des moteurs Diesel comme étant cancérogènes pour l’homme (Groupe 1), sur la base d’indications suffisantes prouvant qu’une telle exposition est associée à un risque accru de cancer du poumon.

En 1988, le CIRC a classé les gaz d’échappement des moteurs Diesel comme étant probablement cancérogènes pour l’homme (Groupe 2A). Un groupe consultatif qui examine et préconise les futures priorités pour le Programme des Monographies du CIRC recommandait avec une priorité élevée que soient réévalués les gaz d’échappement des moteurs Diesel dès 1998.

Le potentiel cancérogène des gaz d’échappement des moteurs Diesel fait l’objet d’une préoccupation croissante, fondée notamment sur les résultats d’études épidémiologiques de travailleurs exposés dans différents milieux professionnels. Cette préoccupation s’est trouvée encore accentuée par la publication en mars 2012 des résultats d’une grande étude sur les expositions professionnelles à de telles émissions chez des mineurs de fond, étude menée par le National Cancer Institute / National Institute for Occupational Safety and Health des Etats-Unis, qui a mis en évidence un risque accru de décès par cancer du poumon chez les travailleurs exposés (1).

Evaluation

Les données scientifiques ont été examinées à la loupe par le Groupe de Travail qui a globalement conclu qu’il disposait d’indications suffisantes de la cancérogénicité pour l’homme des gaz d’échappement des moteurs Diesel. Le Groupe de Travail a constaté que les gaz d’échappement des moteurs Diesel provoquaient le cancer du poumon (indications suffisantes) et a également noté une association positive (indications limitées) à un risque accru de cancer de la vessie (Groupe 1).

Le Groupe de Travail a conclu que les gaz d’échappement des moteurs à essence étaient peut-être cancérogènes pour l’homme, un résultat qui demeure inchangé par rapport à l’évaluation précédente de 1989 (Groupe 2B).

Santé publique

D’importantes populations sont exposées aux gaz d’échappement des moteurs Diesel au quotidien, soit de par leur travail, soit dans l’air ambiant. Ces expositions ne sont pas uniquement dues aux gaz d’échappement des véhicules à moteur, mais également aux émissions d’autres moteurs Diesel, y compris ceux d’autres modes de transport (ex : trains et navires à moteurs Diesel) et de générateurs électriques.

Etant donné l’évaluation rigoureuse et indépendante des données scientifiques effectuée par le Groupe de Travail, les gouvernements et autres décideurs disposent à présent d’une base factuelle sur quoi se fonder pour envisager des normes environnementales relatives aux émissions des gaz d’échappement Diesel et ainsi continuer à travailler avec les fabricants de moteurs et de carburants pour réaliser ces objectifs.

Au cours de ces vingt dernières années, les préoccupations environnementales croissantes ont abouti à l’adoption de réglementations en Amérique du Nord, en Europe et ailleurs avec des normes d’émission de plus en plus strictes à la fois pour les moteurs Diesel et les moteurs à essence. Il existe une forte interaction entre les normes et la technologie - les normes guidant la technologie et la nouvelle technologie permettant l’adoption de normes plus strictes. Pour les moteurs Diesel, des changements dans la composition des carburants se sont imposés, notamment une nette réduction de leur teneur en soufre, des modifications dans la conception des moteurs pour brûler le carburant plus efficacement, et la réduction des émissions grâce à des technologies de contrôle des gaz d’échappement.

Toutefois, bien que l’émission de particules et de produits chimiques soit réduite grâce à ces changements, on ne sait pas encore clairement si ces modifications quantitatives et qualitatives peuvent se traduire par un effet différent sur la santé ; la recherche doit travailler sur cette question. En outre, il faudra des années pour remplacer les carburants et les véhicules actuels, dépourvus de ces modifications, en particulier dans les pays les moins développés, où les mesures réglementaires sont également moins rigoureuses aujourd’hui. Il convient de rappeler que de nombreuses régions du monde en développement ne disposent pas de normes réglementaires, et que les données sur l’exposition et sur l’impact des gaz d’échappement des moteurs Diesel dans ces régions sont limitées.

Conclusions

« Les données scientifiques étaient sans appel et la conclusion du Groupe de Travail, unanime : les gaz d’échappement des moteurs Diesel provoquent le cancer du poumon chez l’homme » a déclaré le Dr Christopher Portier, Président du Groupe de Travail du CIRC.
« Etant donné l’impact supplémentaire des particules émises par les moteurs Diesel sur la santé, l’exposition à ce mélange de produits chimiques devrait être réduit à travers le monde », a-t-il ajouté (2).

Le Dr Kurt Straif, responsable du Programme des Monographies du CIRC, a indiqué que « les principales études qui ont conduit à cette conclusion portaient sur des travailleurs fortement exposés. Toutefois, nous avons appris par d’autres cancérogènes comme le radon, que les premières études démontrant un risque chez des groupes professionnels fortement exposés étaient suivies de résultats comparables dans la population générale. Par conséquent, les actions entreprises pour réduire les expositions devraient concerner les travailleurs et la population générale ».

Le Dr Christopher Wild, Directeur du CIRC, a quant à lui déclaré : « Si le mandat du CIRC consiste à établir les bases scientifiques sur lesquelles s’appuieront les décisions réglementaires aux niveaux national et international, l’évaluation d’aujourd’hui envoie un signal fort justifiant une action de santé publique. L’accent doit être mis au niveau mondial, y compris parmi les populations les plus vulnérables dans les pays en développement, où les nouvelles technologies et les mesures de protection pourraient à défaut prendre de nombreuses années avant d’être adoptées.

Résumé de l’évaluation

Le résumé de l’évaluation paraîtra en ligne dans la revue The Lancet Oncology, le 15 juin 2012.

  1. JNCI J Natl Cancer Inst (2012) doi:10.1093/jnci/djs034 ; et JNCI J Natl Cancer Inst (2012) doi: 10.1093/jnci/djs035
  2. Le Dr Portier est le Directeur du National Center for Environmental Health et de l’Agency for Toxic Substances and Disease Registry des Centers for Disease Control and Prevention (USA).

Auteur : CIRC - OMS.

Sur le même sujet : "Véhicules diesel : pour FNE, les alternatives existent", par Jean-Charles BATENBAUM.

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