Podcast Inforisque : la QVT, en finir avec les conneries

Classé dans la catégorie : Général

Aujourd'hui nous allons avoir une émission tout à fait particulière puisqu'il y a quelques semaines j'ai reçu un ouvrage s'intitulant “La QVT en finir avec les conneries”.

Avec un titre aussi provocateur j'ai été très interpellé, j'ai commencé à dévorer ce livre et très honnêtement, j'ai fait un peu des allers retours entre le début et la fin. Mais je ne vais pas tout vous raconter, j'ai le plaisir de recevoir aujourd'hui son auteur. Vincent Baud.

Sommaire

  1. Présentation de l’auteur Vincent Baud : “La QVT en finir avec les conneries”
  2. "Donne un cheval à celui qui dit la vérité. Il en aura besoin pour s'enfuir"
  3. Quels sont les objectifs de ce livre ?
  4. Définition de la Qualité de Vie au Travail (QVT)
  5. À qui s’adresse ce livre ?
  6. Impulsion du concept de la QVT au niveau de la direction d'entreprise
  7. Sondage
  8. Pétition
  9. Programme Webinaire

En premier lieu - parce que vous allez voir que ce livre est d'une richesse incroyable - il convient quand même Vincent de vous présenter.

Pour me présenter très rapidement, je suis Vincent Baud, à la base je suis un fils de distillateur, j'ai donc commencé à découvrir le monde du travail en tant qu'ouvrier.

J'ai par la suite obtenu un diplôme d'ingénieur brasseur, j'ai travaillé en tant que chef d'équipe à l'international, puis j'ai été directeur d'usine et j'ai découvert le management et la performance.

Et ça a été pour moi un premier gros choc de voir que rien dans toutes nos études ne nous avait préparé à rencontrer des gens, on était préparé à rencontrer des machines, des systèmes, des organisations, des process, mais pas des gens. Ça m'a tellement indigné.

Ça fait plus de 20 ans maintenant que j'enseigne le management et en particulier le management participatif à l'université Aix-Marseille. Par la suite, j'ai intégré la direction des risques professionnels de la CARSAT - que vous connaissez sûrement - où là j'étais en charge des sections de contrôle et de formation en PACA et Corse. Mais j'ai été aussi correspondant national pour toutes les CARSAT des politiques santé au travail des grandes enseignes.

Cela a été une partie institutionnelle on va dire ça comme ça, qui a été passionnante et qui a été ma deuxième indignation pour le dire ainsi, car j'ai découvert seulement après avoir été directeur d'usine et manager, qu'il y avait la question de la santé des salariés qui reposait sur les épaules de ma responsabilité. J'ai tout découvert après coup dans cette institution et puis cette fonction là.

Pour le dire tout de suite, c'est le lien intime qui unissait le travail, le management, la santé, la qualité de vie au travail des salariés qui m'a passionné et l'écoute des salariés qui reste un énorme sujet.

En 2010, j'ai créé mon cabinet, j'ai créé mon aventure entrepreneuriale autour de ce sujet. C’est un cabinet qui s'appelle MASTER. C'est un jeu de mot un peu foireux, je n'ai pas trouvé mieux. Ça veut dire MAnagement, la Santé au Travail par l'Écoute et la Réponse.

Nous avons a été reconnus innovants par le ministère, sur la recherche sur les questions de management et de santé au travail parce qu'on les prend de front et non pas en chambre séparée comme c'est souvent le cas. Depuis douze ans, nous accompagnons les entreprises, les organisations, les branches professionnelles pour trouver des nouveaux leviers pour faire émerger des équipes, une santé au travail et une qualité de vie au travail qui prend du sens et c'est un énorme défi.

Très brièvement, je m'excuse de résumer, peut être pas assez : Voilà qui je suis.

Non il est très important de savoir le parcours de chacun pour connaître aussi sa crédibilité. Parce qu’il y a des gens qui écrivent, sans avoir aucune compétence dans un domaine. Il est toujours intéressant de savoir (surtout quand on touche à des sujets comme ceux ci) qu’il y a un recul de 20 ans d’éxpérience, je pense que ça permet de se dire que vous savez de quoi vous parler.

On va réserver à nos auditeurs quelques surprises aujourd'hui, c'est avant tout un teaser, devant la richesse de cet ouvrage, on a prévu de se retrouver ensemble à plusieurs reprises, mais je donnerai les détails plus tard, nous verrons verra cela en fin de podcast.

Pour commencer dans le vif du sujet, pourquoi cette accroche dès la première page du livre : "Donne un cheval à celui qui dit la vérité. Il en aura besoin pour s'enfuir".

C'est un proverbe qui m'a beaucoup inspiré. Aujourd'hui on est sur un sujet : la santé au travail, un sujet qui est d'une importance considérable. Une importance considérable pas que pour les seuls salariés, mais aussi pour tous les travailleurs, les demandeurs d'emploi, les étudiants, notre société au sens large.

Et ce qui m'indigne c'est de voir qu'on a un sujet qui est totalement tue, qui passe totalement sous silence ou quand il est exprimé, qui ne sort qu'une partie de ce qu'il devrait relever. Nous sommes sur un sujet qui est absent des débats, et quand on veut regarder l'intérieur de ce sujet - j'essaie de le faire à ma petite mesure, je ne me présente pas du tout comme étant le détenteur des tables de la loi de ce sujet, ce n’est pas du tout mon positionnement, mon positionnement c'est d'apporter une contribution issue du terrain - Je me rends compte que c'est un sujet qui porte en son sein énormément de tabous, énormément d'enjeux, de clivages, d'affrontement d'écoles : l'école de la performance, l'école de la santé au travail, l'école des risques psychosociaux et des risques physiques et sécurité au travail. Et que peu de gens, se sentent les moyens de les dénoncer. J'ai eu beaucoup d'échanges avec des préventeurs, avec des ouvriers, avec des représentants syndicaux qui me disaient “Mais ça ce n’est pas possible, pourquoi est ce que ça, c'est l'action qui se lance aujourd'hui dans mon entreprise ? Tout le monde sait que ce n'est pas ce qu'il nous faut et ça va à l'inverse des résultats attendus”.

C'est à contre sens de ce qu'il faudrait faire et personne n'ose forcément le dire parce que c'est difficile.Voilà pourquoi je me suis mis ce proverbe en introduction, j'ai dit, cela ne peut être que dans un exercice de révélation d'une vérité qu'on trouvera l'issue qui manque à l'envergure de ce sujet. Voilà pourquoi j'ai écrit cette citation là. Elle a déjà beaucoup fait réagir. Pour le dire autrement, ce n’est pas la citation qui fait réagir. C'est la partie de l'ouvrage qui montre les déficiences des systèmes managériaux aujourd'hui en place.

Concernant l'objectif du livre (car ce n'est pas un livre de contestation) le but est de présenter un constat et de ce constat de savoir comment on peut sortir de là. C'est avant tout un livre très positif, il convient quand même de le dire, et peut être vous pourriez nous parler de son contenu.

L'objectif, c'est porter un débat, apporter une contribution. Et comme vous le disiez François, ne pas se positionner en donneur de leçons mais de solutions possibles à débattre, ça c'est vraiment l'objectif. Maintenant, si on regarde le contenu :

La première chose que j'ai voulu revendiquer, c'est : le travail est bon pour la santé. Très souvent, nous, surtout les préventeurs, on a tendance à être ceux qui remontons constamment ce qui ne va pas (et on a raison de le dire), mais le premier point, c'est que le travail est bon pour la santé. C'est une revendication forte, une croyance qui n'est pas seulement issue de moi même, on sait aujourd'hui que les personnes en privation d'emploi ont une santé qui va moins bien que les personnes actives. Donc le travail est bon pour la santé. Mais, seulement si il est bien fait. Il devient intéressant de regarder aujourd'hui la façon dont les gens vivent leur travail. Sachant que, dans un monde idéal, la majorité des personnes devrait bien le vivre. Dans ce livre, j'ai voulu donner un premier focus sur où on en est aujourd'hui de la santé des salariés. Et je parle bien de leur santé. Premièrement, où on en est ? Ça s'est dressé, en tout cas les contours au sens large, de la situation en cause.

Deuxième point : pourquoi on en est arrivé là ? Pourquoi, et bien parce que la situation n'est pas bonne. Ça, c'est le premier point. On est dans une situation qui n'est pas bonne et on est dans une situation qui risque, si on n'y fait rien, de s'aggraver. Pourquoi ? Parce que les tendances ne sont pas bonnes non plus. Donc pourquoi on y est ? Ça, c'est la deuxième partie de ce bouquin. C'est pourquoi on en est arrivé là ? C'est un sujet qui est très employé médiatiquement, on parle beaucoup de qualité de vie au travail, en ce moment, on parle beaucoup de bien être au travail.

Enfin, ce sont des sujets qui sont constamment toutes les semaines dans des articles de presse ou des médias. Pour autant, comme ça ne va pas bien et qu'on en parle beaucoup, ça m'intéressait beaucoup de dire mais pourquoi on est arrivé là ? Qu'est ce qui fait qu'on est dans une situation qui n'est pas au rendez vous de ce qu'on attend d'elle ? C'est une deuxième partie de ce livre.

Troisième point : c'est quelles sont les conséquences en fait d'en être là aujourd'hui ? Les conséquences sur les concepts et les pratiques qui sont et qui visent à améliorer la santé des salariés.

Et enfin quatrième point : c'était non pas de se dire de faire un brûlot, un pamphlet en disant il n'y a rien qui va, et qu’il n'y a pas d'espoir (ce n’est surtout pas mon positionnement) mais quelles sont les perspectives ? Et c'est ce grand débat des perspectives qui, à mon avis, ne trouve pas son sens. Il faut bien comprendre, pour bien agir. Donc, il ne trouve son sens qu'au sortir d'un constat, d'une situation et de son origine.

Je dois dire aussi que j'ai été très marqué par plein de choses parce que je vous ai envoyé la photo du livre, je l'ai largement annoté, j'ai des notes partout dans ce livre, ce n'est plus un livre, c'est un classeur. Et c'est vrai que ce qui m'a beaucoup marqué, c'est qu'on parle chez Inforisque, on est un site qui est dédié santé, sécurité. Et il est vrai qu'on voit toujours la sécurité au travail et c'est vrai qu'on en oublie la santé, et ça m'a beaucoup interpellé dans votre livre où on met l'accent quand même sur cette question, de santé qui est essentielle.

Pour continuer un peu dans notre échange, par rapport au livre qui est “la QVT en finir avec les conneries”. Avez-vous une défintion de la QVT ? Est-ce qu'on peut dire QVT vs santé, sécurité ou le hold up de la qualité de vie au travail ? On en parle beaucoup, vous le disiez à l'instant, mais est ce que finalement on ne parle pas un peu trop des babyfoot ?

Dans un premier temps, on a aujourd'hui un concept qui s'appelle QVT, qui est employé à tort et à travers par tous ceux qui l'utilisent. Ça, c'est le premier point. Aujourd'hui quand vous allez regarder sur Internet ou dans un salon, quand vous voyez un stand QVT, qu'est ce que vous trouvez ? Vous trouvez de la méditation, vous trouvez des salles de sieste en proposition, vous trouvez des conciergeries d'entreprise et vous trouvez évidemment le sacrosaint babyfoot qui est tellement connoté qu'on hésite même à le conserver en place puisque, il a été bien marqué par cette dénonciation là. On trouve une offre de services, qui est totalement à côté des questions du contenu et du vécu du travail. Et vous avez raison, il faut redonner à ce concept sa définition première, sa matière première et le fait que ce concept aujourd'hui soit totalement sorti du contenu et du vécu du travail n'est pas un hasard. C'est ça que je veux démontrer dans ce bouquin.

Ce n'est pas un hasard. C'est issu d'une série d'événements et de tendances qui ont fait qu'il s'est satellisé en dehors du contenu du travail. Pour répondre à votre question, de quoi on parle quand on parle de QVT? Dans le livre, j'ai proposé de redéfinir cette qualité de vie au travail, un peu dans la veine de ce qu'a voulu faire aussi l'ANACT, en rajoutant la qualité de vie et des conditions de travail.

Je ne suis pas le seul à vouloir le remettre en son centre. Mais ce sujet est issu de ce que vous disiez tout à l'heure, on parle de sécurité mais pas de santé au travail. Il est issu de l'irruption des risques psychosociaux dans les années 2009-2010 qui a imposé dans le débat la question de la santé des salariés et non pas de leur seule sécurité au sens atteinte physique directe qu'ils peuvent avoir au travail. Donc, cet énorme traumatisme qui a été en 2009-2010 les suicides professionnels au travail et la grande mobilisation qu'elle a généré a fait émerger un concept de risques psychosociaux.

Ces concepts de risques psychosociaux là, tout le monde s'accorde à dire - et c'est même officiellement quand vous prenez les rapports en cours (Nasse-légeron, Gollac, etc.) - que ce terme n'est pas défini en soi de façon homogène. Certains appellent risques psychosociaux, le type d'atteinte qu'on peut avoir qu'il soit psychique et social. D'autres appellent psychosociaux le type d'événement psychique et sociaux qui peuvent atteindre à la santé des salariés. En fait, on désigne le risque d'une conséquence, d'autres le risque de certaines causes. Et en mélangeant tout, on ne sait plus trop de quoi on parle. En fait, c'est protéiforme. Les risques psychosociaux sont sortis parce que des salariés étaient blessés autrement que directement physiquement.

Derrière, ça a été une énorme réaction de défense qui a envahi les entreprises puisqu'elles ne pouvaient plus ne rien faire sur le sujet, parce que beaucoup n'étaient pas aussi engagées sur ce sujet que ce qu'elles ont pu l'être sur les accidents du travail puis les maladies professionnelles. Et comme c'était repoussoir, comme une entreprise qui disait je vais lancer un grand plan de prévention des risques psychosociaux, sous entendait qu'elle en avait chez elle, et qu'on avait associé ça à : suicide professionnel, condamnation de l'employeur, écrasement de la marque entreprise, etc. Elles ont cherché une façon de positiver cette action et elles ont recyclé un terme qui date des années 70 qui était très noble en disant : On ne va pas faire de la prévention des risques psychosociaux, mais on va faire de l'amélioration de la qualité de vie au travail.

C'est là qu'il est revenu dans la sphère publique et qu'il a occupé tout le secteur, mais comme les concepts ont été divisés, c'est à dire que le concept de santé des salariés a été, alors qu'il est global, complètement explosé en miettes. Il est et ce n’est pas moi qui le dit, c'est l'OMS depuis 1946, et l'OIT depuis 1950 : Il est composé de l'intégrité physique, mentale et sociale des salariés. Ce n’est pas physique ou mentale ou sociale, c'est physique et mentale et sociale. Ça, c'est la définition même de la santé et de la santé au travail derrière. Il a été explosé en miettes pour des tas de raisons dont on ne va pas parler là, juste là maintenant, mais que je démontre dans le livre.

Comme il a été explosé en miette, on l'a attaqué et on l'a traité en silo. On a dit la santé au travail, voilà comment on va faire, tout ce qui concerne l'atteinte physique directe au travail, on va dire que c'est la sécurité et on sait faire et on a des ingénieurs et on a des techniques pour le faire et des méthodes pour le faire. Et tout ce qui est mental et social, on va appeler ça risque psychosociaux, on va le déconnecter du reste et on va le traiter positivement sous l'angle de la QVT.

Sachant que il ne fallait pas - et c'est pour ça, je reviens à votre question sur le proverbe du début - même si on ne pouvait pas faire comme si ces atteintes n'existaient pas, remettre en cause les déterminants managériaux qui pouvait en être à l'origine. Ça, c'était le non-dit qui présidait à leur naissance. En gros, on s'est mis à chercher des tas de façons d'agir sur ces risques psychosociaux en les passant sous la qualité de vie au travail, sans que ça remettent en cause les déterminants de l'organisation et du management de l'entreprise.

Ça a amené donc à ces deux dérives : premièrement, on a traité les risques psychosociaux dans sa partie curative, c'est à dire on a pris en charge les salariés, on a créé des hotlines. Deuxième dérive, c'est qu'on a mis en place des tas d'actions qui étaient non pas de prévention comme on dit, de prévention primaire, des tas d'actions sur ces déterminants qui peuvent créer ces atteintes physiques et psychiques, mais des actions de compensation qui étaient : ton travail, quel que soit ton niveau de stress, et bien, on va te donner des cours de yoga le midi, on va te donner des cours de méditation, on va te donner des fruits frais à la cantine et puis on va te donner des tas de choses qui vont chercher à compenser. Ce dont il n'est plus question, c'est de se poser la question de comment on vit ? Comment tu vis ton travail chez nous ? Voilà l'état des lieux de la situation très très vite brossé avec laquelle on a à débattre aujourd'hui.

Je pense que ça va être une très bonne introduction aussi pour ce qui viendra après, dans nos prochains entretiens. Donc ce livre, et les entretiens que nous allons faire ensemble, pour qui ? À destination de qui ?

Ce livre, je l'ai pensé François, et c'est vous et puis ceux qui auront le courage de le lire ou l'envie de le lire qui pourront me faire le retour de l'objectif atteint ou non. Je l'ai pensé pour toute personne qui se sent concernée par le sujet de la santé au travail, et de la qualité de vie au travail qui ou non en résulte. Je l'ai pensé pour toute personne intéressée, quelle soit étudiante, quelle soit manager, quelle soit représentante du personnel, préventeur, dirigeant, quelle soit fonctionnelle de l'entreprise, des fonctions support comme les ressources humaines, enfin, peu importe. Toute personne qui se sent concernée par ce sujet et qui a envie, voyant qu'il n'est pas au rendez vous de ce qu'il devrait produire, qui a envie de se mobiliser pour ne pas subir cette situation mais agir pour le remettre sur les rails.

Ce livre s'adresse à toute personne qui veut savoir ce qui se passe ou qui sait, ou qui comprend qu'elle a aujourd'hui une réponse qui n'est pas à la hauteur du besoin de sa santé au travail, de sa qualité de vie au travail en distinguant bien les deux et qui souhaite ne pas subir et agir pour ne pas prendre ça comme une fatalité et laisser les choses dériver. Tel est le public recherché.

Je rajouterai peut être un public même, qu'il faut, parce que je pense que de toute manière si on ne part pas du haut, on aura jamais des résultats en bas. Si il n’y a pas une impulsion au niveau de la direction d'entreprise - vous m'arrêtez si je me trompe - ou au moins une prise en charge ou une compréhension du sujet en haut, on ne pourra jamais le faire redescendre dans l'entreprise et à la mesure des enjeux qui sont ceux là. C'est pour ça que je trouve aussi intéressant dans le livre cette approche où il n'y a pas de tabou, on ne jette pas de bons points ou de mauvais points. Chacun dans l'entreprise a sa sphère de compétence et de responsabilité et justement ce livre aborde cette santé sécurité par rapport aux enjeux pour chacun et y compris pour la direction de l'entreprise.

Chose que j'ai aussi trouvé intéressante - mais qu'on verra après – c’est qu’ il y a aussi des solutions pour le chef d'entreprise de manière à faire avancer ces sujets là et y compris confronté aux enjeux financiers qu'il a. Parce que finalement, un chef d'entreprise c'est avant tout des enjeux financiers, c’est clairement le premier enjeu de l'entreprise : gagner de l'argent.

Derrière cette caricature du babyfoot, en prenant sérieusement la question de santé sécurité, on peut arriver à avoir de très bons résultats de l'entreprise parce que c'est quand même le personnel de l'entreprise qui fait la qualité de l'entreprise.

Tout à fait, j'avais cité les dirigeants dans les personnes impliquées, mais je n'ai pas assez insisté sur les personnes visées. Pour vous donner une anecdote, j'ai envoyé ce livre au président de Polytechnique, au président de HEC, au président de l'ESCP, à la directrice de l'ENA. C'est un livre que j'envoie avec mes petites mains, je ne vais pas l'envoyer à tous les directeurs d'école, mais je l'ai envoyé aussi aux institutions aussi et au ministre de l'Education nationale. Je ne me fais pas de doute sur le fait qu'il va peut être plus souvent caler un mur que d'occuper des heures de lecture des personnes vers qui ils sont destinés. Mais je suis totalement en lien avec vous.

L'objectif, c'est de passer de la parole à la pratique. Je m'explique, tout le monde dit que la santé au travail, c'est un facteur de performance.Tout le monde dit - parce que la qualité de vie au travail, c'est une perception – que les salariés qui perçoivent une bonne qualité de vie au travail, c'est à dire ceux qui ont le sentiment de bien vivre leur travail, qui sont satisfaits des conditions d'exercice de leur travail parce qu'il a du sens, parce qu'ils ont de bons outils pour le faire, une bonne organisation pour le faire, de bonnes relations pour le faire et un beau projet à l'intérieur de lui même, tout le monde dit que des salariés, dans cet état là, sont plus engagés, sont plus performants et que c'est au bénéfice de la performance d'entreprise. La théorie, elle est partagée par tout le monde.

Le problème c'est que cette théorie là ne se retrouve pas dans les actes. Donc oui, il faut absolument rentrer dans le logiciel de la performance des dirigeants pour ne plus qu'ils voient ce sujet de façon défensive et pour qu'ils puissent l'intégrer à leur stratégie de développement et de compétitivité de l'entreprise. Et ça, j'y crois dur comme fer.

On peut dire aujourd'hui qu'il y a six enjeux qui concernent l'entreprise et sa direction :

Le premier enjeu : l'enjeu humain. Pourquoi faire de la santé au travail une priorité dans son entreprise ? C'est pour que les gens dans l'entreprise, et leurs proches ne se blessent pas, ni physiquement, ni mentalement, à tout point de vue.

Le deuxième enjeu : l'enjeu économique direct. Des entreprises qui ont beaucoup d'atteintes à la santé au travail vont payer plus cher de cotisation, accidents du travail et maladies professionnelles, au dessus d'un certain seuil en tout cas.

Le troisième enjeu : l’enjeu économique indirect, c'est à dire que des entreprises qui ont des atteintes à la santé au travail physique ou mentale, peu importe ces entreprises là vont avoir du turn over, du désengagement, de la non-qualité, de la non-productivité. L'INRS a établi que le rapport entre le coût direct et indirect était d’au moins fois trois et ça peut aller jusqu'à fois dix. Il y a beaucoup à perdre économiquement, à ne pas avoir un bon niveau de qualité de vie au travail.

Si j'ai bien lu votre ouvrage, il me semble que vous évoquez un chiffre de 32 milliards.

Oui, c'est énorme.

Quatrième enjeu : l'enjeu juridique, et ça on en parle beaucoup. Ça défraie encore l'actualité récemment. L'enjeu juridique, civil et pénal qui concerne le dirigeant et l'entreprise personne morale.

Cinquième enjeu : l’enjeu de dialogue social, c'est à dire qu'une entreprise qui a des conditions de vie au travail dégradées, a un dialogue social dégradé et c'est une entrave à son développement.

Sixième et dernier enjeu : l'enjeu d'image de l'entreprise, cet enjeu d'image qu'il soit auprès des nouveaux entrants, auprès des personnes en place, auprès des institutions, voir même un peu aujourd'hui quand même, des clients qui ont des attentes là dessus, tout ça, ça ne peut être que des raisons de prendre ce sujet autrement que défensivement et de le cantonner aux fonctions support pour laisser le management performer. C'est tout l'objectif.

Dans ce premier entretien, nous avons convenu ensemble que ce serait un teaser, pour accompagner la suite. Une chose quand même, pour montrer aussi votre implication, vous avez lancé aussi un sondage.

Oui, l'idée pour moi ce n’était pas juste de faire un livre, de le mettre dans une bibliothèque et puis de passer au sujet suivant, mais d'en faire le ferment de quelque chose. Voilà, le projet qui accompagne ce livre. Premier point : porter, contribuer à porter ce débat. Et nous sommes pile dans l'actualité. En ce moment sort les Assises du travail où, parmi les trois thèmes qui sortent, on a les rapports au travail, (premier thème qui va être débattu), deuxièmement, la santé et la qualité de vie au travail, troisième thème la démocratie au travail. Nous avons un alignement des planètes sur une volonté d'aller porter ce débat là.

Ce podcast c'est aussi une façon de donner écho aux propositions et au constat mais aussi aux propositions, qu'il augure.

Un deuxième point qui contribue à l'après de ce livre : j'ai souhaité - parce que aujourd'hui je pense que c'est un marqueur extrêmement fort de la défaillance de nos politiques et managérial et santé au travail - remettre au centre du débat la question de la participation directe des salariés à l'amélioration du contenu de leur travail. Aujourd'hui, on ne peut que constater que c'est le parent pauvre des systèmes managériaux en place mais aussi parce qu'il faut savoir se regarder, nous, les préventeurs des systèmes de santé sécurité au travail.

Cette participation des salariés, elle n'est pas nouvelle. On a les lois Auroux qui sont sorties et qui l'ont instituée, les accords nationaux inter-professionnels qui sont constamment en train de rappeler à sa nécessité. Cependant ça ne suit pas dans les pratiques et c'est là tout le problème. On est bon en théorie et mauvais en pratique.

J'ai dit tout à l'heure que beaucoup de choses allaient partir du haut tout du moins de la partie direction. Mais d'un autre côté, c'est de faire remonter après par contre l'information, d'aller la recueillir à la base, c'est à dire de venir chercher cette information concrète et structurer à partir des salariés et de faire remonter ces éléments là.

Oui, c'est la condition pour moi de réussite du dispositif de la santé au travail dans les entreprises. C'est la condition même de la possibilité de faire naître une qualité de vie au travail d'un niveau satisfaisant. Voilà pourquoi nous avons lancé une pétition, pour reprendre votre question qui accompagne ce livre, une pétition en ligne sur le site change.org. Cette pétition là, vise à demander à ce que la participation directe des salariés figure comme le premier principe général de prévention au titre du code du travail qui viendra en complément de la participation indirecte existante avec les représentants des salariés.

Pourquoi ? Parce que les neuf principes généraux de prévention existants que beaucoup de gens connaissent : éviter les risques, évaluer les risques, etc... ne citent jamais explicitement l'absolue nécessité de commencer par écouter les salariés dans leur façon de vivre leur travail et leur permettre de contribuer à son amélioration continue.La seule fois où l’on parle dans ces principes généraux de prévention des salariés, c'est au dernier principe et on ne dit pas les écouter, on leur dit donnez leur des instructions adaptées, c'est très descendant.

L’idée c'est de rajouter un 10ème principe général de prévention et de le mettre en tête. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui ces neuf principes généraux de prévention sont pris en repères par plein de monde, par les institutions juridiques, par les préventeurs, par les personnes impliquées dans la défense de l'entreprise et dans ce qu'elle a fait ou pas fait.

Le but c'est de ne plus en faire un sujet implicite, un sujet qui de fait n'est pas central, mais au contraire d'en faire une condition même de validation d'une politique santé au travail en entreprise. On peut - et ça c'est ce que j'ai démontré dans le livre - mettre en œuvre les neuf principes existants généraux de prévention, sans jamais écouter un salarié. On peut éviter un risque sans écouter un salarié. On peut évaluer les risques sans écouter les salariés. Et d'ailleurs, la preuve, c'est que le plus souvent, c'est comme ça que ça se fait. L'idée, c'est d'avoir un marqueur comme un espèce de grand étendard qui pourrait institutionnaliser, porter ça au centre du débat, mettre cette participation en tête. C'est l’un des enjeux du livre : accompagner ça par un changement dans la compréhension de notre sujet et un changement qui ne soit pas que dans les têtes de certains.

Le dernier point, c'est l'ambition de créer un mouvement collectif de personnes qui s'emparent de ce sujet. Et je suis convaincu de cette intelligence collective - qui est difficile parce que deux intelligences qui s'affrontent, ça fait pas un programme commun - générer un collectif de personnes impliquées pour porter d'autres préconisations, d'autres propositions pour faire grandir ce sujet.

J’ai lancé l'idée sur 2023 de faire un tour de France de la qualité de vie au travail et que toute personne qui se dise : je suis intéressée pour en parler là où je suis et qui se sent de réunir quelques personnes autour d'elle puisse faire appelle à moi ou à quelqu'un qui fera partie de ce collectif là pour porter ce débat, en parler, et puis rejoindre une communauté de gens qui porte ce message et qui se rejoigne autour de propositions communes.

C'est aussi le combat que l'on mène. Tout à l'heure, vous parliez d'indignation, et effectivement, comment ne pas s'indigner devant le dernier rapport de la DARES qui nous donne plus de 750 000 accidents professionnels par an. On ne peut pas rester comme ça sans se dire qu'il y a encore quelque chose à faire et c'est bien aussi d'avoir cette partie collective. Je pense qu'Inforisque a une certaine communauté de gens impliqués dans le domaine de la sécurité, pour ça, je suis très content et eux aussi de pouvoir amener notre pierre à l'édifice et éventuellement le faire savoir.

Nous avons prévu ensemble Vincent, de faire plusieurs émissions parce que la densité du sujet ne pouvait pas se contenter de 30 minutes, n'est ce pas ? Je donne quelques pistes à nos auditeurs : nous allons faire toutes les semaines un webinaire dédié à ce sujet, avec vous Vincent, (à partir du 9 janvier) plus précisément, le 9, le 16, le 23 janvier, puis ensuite le 13, le 20 et le 27 février.

Nous allons pouvoir décortiquer tous les éléments, afin de les aborder par thématique :

  • La santé au travail: que nous disent les chiffres ?
  • Les raisons de la situation : pourquoi en est-on arrivé là ?
  • Des démarches 0 accident à la QVT: où est-ce que ça coince ?
  • Les perspectives de la QVT 1/2: remettre en ordre les concepts
  • Les perspectives de la QVT 2/2: remettre en ordre les pratiques

Nous vous donnons rendez-vous à tous en janvier, cette possibilité d'avoir des webinaire permettra de poser directement vos questions à Vincent Baud et commencer peut être à mettre des gens autour de la table, à travailler sur le sujet.

Nous allons mettre les liens qu'il convient en pied de page, sur les différents supports que l'on a évoqué et nous mettrons également votre sondage.

Si quelques mots à dire, c'est je suis totalement convaincu qu'il n'y a pas de fatalité à la situation qu'on peut déplorer aujourd'hui sur cette partie du travail et je pense aussi que c'est le bon moment qu'on a un alignement des planètes parce qu'on a des clients qui veulent partager autre chose avec l'entreprise qu'un échange de valeurs financières. On parle beaucoup de développement durable, de responsabilité sociétale et aujourd'hui, c'est un des leviers dans les perspectives dont on va parler ensemble qui va nous permettre de le faire naître. Il y a une véritable attente là dessus. Nous avons le Conseil Économique, Social et Environnemental qui a lancé une mission sur l'impact du changement climatique sur la santé au travail. Nous avons des salariés qui attendent de vivre autre chose au travail. Aujourd'hui, on parle beaucoup de grandes émissions, on parle beaucoup de quiet quitting etc. On a des salariés qui ont un niveau d'exigence bien supérieur aux anciennes générations sur ce que leur travail va générer comme qualité de vie professionnelle.

Et ça, ce serait tellement dommage de ne pas saisir cette opportunité et de faire naître ce sujet...

 

Retrouvez les podcasts Inforisque.

Réactions...

BIOT le :

Merci pour cette belle analyse sur la QVT, que je partage ! Je suis surprise que l'auteur n'aborde jamais le travail au quotidien des médecins du travail engagés sur ce sujet et leur expertise. Notre métier est largement méconnu et peu mis en avant par les médias... mais nous sommes en première ligne de ce constat et les premiers interlocuteurs des salariés et des employeurs. Dr Biot Nathalie
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