Pesticides et santé au travail : une bombe à retardement pour les professionnels exposés

Classé dans la catégorie : Risques pour l'Homme au travail

Alors que le débat parlementaire refait surface sur l’usage des pesticides, le monde du travail, et notamment le secteur agricole, reste confronté à une crise sanitaire silencieuse mais bien réelle. Cancers, maladies neurodégénératives, troubles respiratoires… Les données scientifiques s'accumulent, et le lien entre exposition professionnelle aux pesticides et de nombreuses pathologies graves ne fait désormais plus guère de doute. Pourtant, la prévention reste largement en deçà des enjeux.

Les agriculteurs en première ligne d’une menace toxique

Les pesticides, par définition, sont conçus pour être toxiques. Herbicides, insecticides, fongicides ou encore biocides sont massivement utilisés pour protéger les cultures, les animaux, ou encore les bâtiments agricoles. Mais cette protection a un prix : celui de la santé de ceux qui les manipulent. Les agriculteurs, en contact direct avec ces substances, paient le tribut le plus lourd.

Les études menées depuis plusieurs décennies, notamment par l’Inserm ou à travers les cohortes AGRICAN en France et Agricultural Health Study aux États-Unis, sont sans appel. Certains cancers sont significativement plus fréquents chez les professionnels agricoles que dans la population générale : cancer de la prostate, lymphomes non hodgkiniens, myélomes multiples. À cela s’ajoutent des risques accrus de maladie de Parkinson, de troubles cognitifs et de bronchopneumopathie chronique obstructive.

Un cadre réglementaire encore trop laxiste ?

Si les pesticides font l’objet d’une réglementation stricte au niveau européen, elle reste insuffisante au regard des effets différés ou chroniques observés. De nombreuses substances, interdites aujourd’hui, laissent des traces durables dans l’environnement et dans les corps. Le lindane, par exemple, bien qu’interdit en agriculture depuis 1998, persiste encore dans certaines zones et a été retrouvé dans le lait maternel.

Malgré des avancées, les études épidémiologiques peinent à suivre l’évolution rapide des molécules utilisées : plus de 1 000 substances ont été homologuées en Europe depuis les années 1950, mais seules quelques-unes font l’objet d’un suivi épidémiologique approfondi. Le manque de données, de financement et de moyens humains freine la reconnaissance des risques professionnels, notamment dans le cadre des maladies professionnelles.

Au-delà de l’agriculture : d’autres métiers oubliés

Les agriculteurs ne sont pas les seuls concernés. Espaces verts, industrie du bois, nettoyage urbain, hygiène publique, traitement des semences dans l’agroalimentaire… De nombreux travailleurs sont exposés aux pesticides sans bénéficier du même niveau de suivi ou de reconnaissance que le monde agricole. Ces professions, souvent mal étudiées, pourraient bien représenter la prochaine ligne de front en matière de santé au travail.

Quel avenir pour la prévention ?

La suspension du plan Écophyto II+ et sa substitution par la stratégie Écophyto 2030 soulèvent de nombreuses interrogations. Alors que l’objectif initial de réduire de 50 % l’usage des produits phytopharmaceutiques d’ici 2025 semble compromis, la priorité devrait être donnée à la protection des professionnels.

Formation renforcée, équipements de protection individuelle adaptés, traçabilité des expositions, reconnaissance des maladies professionnelles, soutien à la reconversion vers l’agroécologie : autant d’actions nécessaires pour éviter que la santé des travailleurs ne soit le prix à payer d’un modèle agricole en mutation.

La question n’est plus de savoir si les pesticides sont dangereux pour la santé des professionnels exposés, mais jusqu’à quand nous continuerons à l’ignorer.

Source : Ce que cachent encore les pesticides : révélations sur un risque invisible.

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