Respirer l’air de la campagne évoque souvent l’image d’un environnement sain, loin de la pollution urbaine. Pourtant, l’étude PestiRiv, menée par Santé publique France et l’Anses, vient bousculer cette représentation. Réalisée entre 2021 et 2022 sur près de 2 700 participants dans 265 zones viticoles et non viticoles, cette enquête met en lumière une réalité préoccupante : vivre à proximité des vignes expose davantage aux pesticides.
Pour la première fois en France, une étude de cette ampleur a permis de mesurer l’imprégnation biologique (via l’analyse des urines et cheveux), mais aussi les contaminations environnementales (air, poussières, aliments de jardin). Résultat : les riverains de zones viticoles présentent des niveaux d’exposition plus élevés, en particulier pendant les périodes de traitement des cultures. Les substances retrouvées vont des plus spécifiques à la vigne, comme le folpel, à des produits plus répandus comme le glyphosate.
Un risque partagé entre riverains et professionnels
Cette problématique ne se limite pas aux habitants vivant à proximité des vignes. Les travailleurs agricoles, en première ligne lors de l’application de ces produits, subissent une exposition encore plus intense et répétée. Le parallèle est frappant : là où les riverains sont touchés de façon indirecte par la dérive des pulvérisations et le réenvol des substances, les viticulteurs et salariés agricoles sont confrontés à un risque professionnel quotidien, parfois avec une protection insuffisante. L’inhalation, le contact cutané ou la manipulation des bidons multiplient les voies d’exposition et augmentent le danger à long terme.
Les conclusions de PestiRiv rejoignent ainsi les préoccupations déjà soulevées par la médecine du travail et les syndicats agricoles : les pesticides ne sont pas qu’une question environnementale, ils représentent aussi un enjeu majeur de santé au travail. Reconnaître et réduire ces risques est essentiel pour protéger à la fois les riverains et les professionnels directement exposés.
Réduire à la source : une urgence partagée
L’étude montre clairement que les principaux facteurs d’exposition sont la proximité immédiate des habitations avec les vignes et les quantités de produits utilisés. Les agences sanitaires préconisent donc d’agir à la source : réduire le recours aux pesticides au strict nécessaire, améliorer les pratiques pour limiter leur dispersion et informer en amont les riverains lors des traitements.
Cette stratégie s’inscrit dans le cadre du plan national Ecophyto 2030, qui vise à accélérer la transition vers des méthodes agricoles moins dépendantes des produits phytopharmaceutiques. Car au-delà des chiffres et des analyses, c’est bien la santé des populations et la qualité de nos environnements de vie et de travail qui sont en jeu.
Un enjeu collectif
L’étude PestiRiv apporte une base scientifique solide pour alimenter le débat public et guider les politiques agricoles. Elle rappelle que les pesticides n’ont pas de frontières : ils traversent l’air, les sols et parfois nos corps. Qu’il s’agisse d’un enfant jouant dans son jardin en zone viticole ou d’un ouvrier viticole manipulant les produits, l’exposition est bien réelle et nécessite des réponses collectives et ambitieuses.
À terme, les résultats de PestiRiv pourront être croisés avec d’autres données pour mieux comprendre les liens entre exposition et risques sanitaires. En attendant, un message s’impose : protéger la santé humaine doit primer sur l’usage intensif des pesticides.
Auteur : Inforisque.