Alors que l’on parle beaucoup de sécurité incendie ou de risques psychosociaux, la pollution de l’air au bureau reste largement ignorée. Pourtant, elle peut être plusieurs fois plus élevée qu’à l’extérieur et peser lourdement sur la santé des salariés.
Un risque invisible encore sous-estimé au bureau
Dans de nombreuses entreprises, la qualité de l’air intérieur n’est tout simplement pas perçue comme un risque professionnel. Une enquête menée auprès de plus de 5 600 salariés révèle que la majorité juge l’air de son lieu de travail « plutôt bon », alors que les mesures réalisées dans les bâtiments tertiaires mettent souvent en évidence une pollution 5 à 10 fois supérieure à celle de l’air extérieur. Un tiers des répondants ressent déjà un inconfort, mais 14 % ne se sont jamais interrogés sur le sujet.
Pour les employeurs comme pour les préventeurs, cette sous-estimation est lourde de conséquences. Un air dégradé favorise maux de tête, irritations, fatigue chronique, baisse de concentration et, à plus long terme, pathologies respiratoires. Malgré cela, seuls 12 % des salariés interrogés estiment que la qualité de l’air est traitée au même niveau que la sécurité ou l’ergonomie. Pour les autres, le sujet est soit rarement abordé, soit totalement absent des échanges sur la prévention.
Ventilation et mesures : le grand flou dans les entreprises
Les systèmes de chauffage, de climatisation et de ventilation entretiennent souvent une illusion de protection. Près des deux tiers des personnes interrogées pensent qu’ils filtrent ou purifient l’air. En réalité, la plupart de ces installations ont été conçues principalement pour assurer le confort thermique et le renouvellement minimal de l’air, pas pour capturer les particules fines, les COV ou les micro-organismes. Sans filtres performants ni dispositifs dédiés, elles brassent l’air plus qu’elles ne le dépolluent.
Le flou est tout aussi marqué dès qu’il s’agit de mesures objectives. Près d’un salarié sur deux ignore si la qualité de l’air est réellement contrôlée dans ses locaux. Seuls 14 % mentionnent des mesures régulières de paramètres comme le CO₂, les particules ou certains gaz. Or, sans suivi chiffré, impossible de repérer une ventilation insuffisante, une accumulation de polluants ou un dysfonctionnement d’installation avant l’apparition de symptômes.
Interrogés sur la meilleure façon de savoir si l’air est sain, près des deux tiers des répondants s’en remettent à leurs sensations : absence d’odeur, pas de fumée visible, absence de plaintes. Les experts rappellent pourtant qu’un air peut être fortement contaminé tout en restant inodore, transparent et perçu comme « normal ». Cette confiance dans le ressenti retarde la mise en place d’une véritable stratégie de mesure et de prévention.
Les connaissances techniques sur la qualité de l’air restent, elles aussi, très limitées. Si la température et l’humidité sont largement identifiées comme paramètres de confort, beaucoup de salariés ignorent encore le rôle du CO₂, des particules fines ou des composés organiques volatils, pourtant au cœur des diagnostics professionnels. Près d’un répondant sur dix ne connaît aucun des termes utilisés pour qualifier la qualité de l’air intérieur.
Pourtant, quelques indicateurs simples pourraient être partagés avec l’ensemble du personnel afin de rendre le sujet plus concret et d’ancrer la qualité de l’air dans la culture sécurité de l’entreprise :
- Taux de CO₂ mesuré en continu.
- Niveau de particules fines (PM2,5 / PM10).
- Présence de COV issus de matériaux ou produits.
- Taux de renouvellement d’air et humidité contrôlés.
Un air intérieur souvent plus pollué que dehors
Autre croyance tenace : l’idée que l’air intérieur serait moins pollué que l’air extérieur. Près de neuf répondants sur dix estiment qu’il est moins, aussi ou seulement un peu plus pollué, ou avouent ne pas savoir. Seule une minorité a conscience que l’air d’un bureau ou d’un atelier peut être jusqu’à dix fois plus chargé en polluants. Cette perception minimise le risque et freine les investissements dans des capteurs, des audits ou des plans d’actions structurés.
Obligations de l’employeur : intégrer l’air sain à la culture prévention
Sur le plan réglementaire, la confusion est tout aussi nette. Seule une personne sur cinq sait clairement que le maintien d’un air intérieur sain fait partie des obligations de l’employeur. Près de la moitié pense que ce n’est pas une obligation ou hésite sur la réponse. Pourtant, le droit du travail impose à l’entreprise de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé des travailleurs, ce qui inclut la prévention des risques liés à la pollution de l’air dans les locaux.
Pour les directions, DRH et responsables QHSE, l’enjeu est désormais de faire sortir ce risque invisible de l’angle mort de la prévention. Diagnostic initial, choix de capteurs adaptés, maintenance rigoureuse des systèmes de ventilation, mais aussi formation des encadrants et information régulière des équipes doivent être pensés ensemble. En rendant la qualité de l’air aussi tangible que le port des EPI ou la prévention des chutes, l’entreprise protège la santé de ses salariés tout en améliorant durablement le confort et la performance au travail.
Auteur : Inforisque.Source : OberA.